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Douglas Edric Stanley

2006.03.23

Dans son livre Life Style, Bruce Mau remarque qu’avec l’introduction de PostScript, le texte a été transformé en une simple modulation parmis d’autres de l’image. Comme dans le reste de son livre, il y voit une sorte de toute-puissance grandissante dans l’image, qui prend des formes autant à travers la technique qu’à travers l’economie politique de la mondialisation,

Postscript World. Until the invention of Postscript, so aptly named by Adobe Systems, the simultaneous production of image and text made for an awkward marriage. There were some attempts at integration, most notably in cinema, where deigners like Saul Bass synthesized text ane image to powerful effect. But these undertakings were costly, cumbersome, and time-consuming. In print, filmstripping, every bit as cumbersome and costly as in film, remained the technique of marrying text and image. Postscript changed all that. Its principal innovation was the invention of a “page description language” used to describe any point on the surface, whether it was text or image. There is no longer any distinction between text and non-text, image and non-image. The entire surface is now described in one language. Everything is now image. With the elimination of that distinction Adobe ushered in an entirely new aesthetic and a new model of “thinking the page” that will change the way typography itself is conceived.
– Bruce Mau ; Life Style ; 2000 ; pp. 65

Pour Mau, l’introduction de PostScript dans la chaîne de production typographique a transformé son métier qui consistait auparavant à présenter des contenus en une gestion des contenus en fonction de leur présentation.

Il est intéressant de comparer cette anaylse de Mau aux divers déclarations de Bernard Stiegler qui décrivent un mouvement presque inverse. Car Stiegler parle d’un mouvement de « discrétisation » et de « délinéarisation » des flux audiovisuels « visant à définir une véritable grammaire mondiale des images animées et sonores », c’est-à-dire permettant de retransformer la puissance de l’image en une matière analysable, capable d’être décomposé, juxtaposé, contextualisé.

Les techniques dites «d’indexation par les contenus » rendent les photogrammes et vidéogrammes analysables et interrogeables par des algorithmes de reconnaissance des formes. L’enjeu est si important qu’il fait l’objet d’une normalisation des formats de description et de négociations internationales visant à définir une véritable grammaire mondiale des images animées et sonores.
– Bernard Stiegler ; Discrétiser le temps ; 2001

Dans les deux cas, on aura remarqué au moins que l’enjeu est planétaire.

Mais il y a une différence fondamentale des deux mouvements, et qui tient dans la manière dont ces deux procédés d’informatisation (voire d’algorithmisation ou de préparation pour l’algorithme) saisissent leurs contenus. Dans le premier cas il s’agit carrément d’une algorithmisation pure et simple de la typographie : le PostScript transforme l’écrit en une série d’instructions de déplacements vectorielles qui forment des les lettres et des signes dans l’espace. Mais le deuxième procédé, celui de la discrétisation, n’a nullement besoin de reproduire le média saisit à l’intérieur de l’algorithme. Il a plutôt tendance à entourer les média comme des parenthèses, et de les décomposer en leur rajoutant des balises.

Ce principle d’entourage de tout ce qui bouge, ne bouge pas, fait signe, ou remplit du temps, permet aujourd’hui de transformer des médias, formes et signe non-numériques en des objets manipulables par des algorithmes. Le balisage est ainsi une des signes reconaissables de l’algorithmisation du monde.

Ce qui est intéressant avec le balisage c’est que l’objet n’a même pas besoin d’être numérisé pour être aujourd’hui balisé. Un peu comme les disques laser qui permettait de piloter numériquement des contenus enregistrés à l’origine avec des caméras analogiques, l’algorithmisation peut décider de la résolution nécessaire de numérisation pour pouvoir manipuler de la matière. Dans le transport, par exemple, on n’a peut-être pas besoin de savoir ce qu’il y a dans les boîtes pour pouvoir employer des algorithmes impressionants dans leur acheminement.